Wake-up [system failure]
Théâtre Berthelot – Montreuil le 21 novembre 2014
Frédéric Jessua se plonge dans l’étrange dualité de la matrice. Lorsque Larry devient Lana, c’est toute la question du genre et de l’identité qui est posée.
Accompagné de Maryne Lanaro, il explore cette dualité sur le grand plateau quasi vide du Théâtre Berthelot de Montreuil. Les deux voix parlent, crient, chuchotent, murmurent pendant que le plateau se mesure à coups de gaffer. Aux murmures pour lesquels il nous faut tendre l’oreille pour les percevoir se succèdent les cris qui nous heurtent l’ouïe ; aux voix claires et naturelles s’enchainent les voix blanches dans un microphone. Le deux comédiens arpentent l’espace, l’évaluent, et une atmosphère intime, intérieure se met en place. Soudain, l’on joue entre ombres et brouillards, tout se déconstruit. Les lumières créent un autre espace – coulisses, scène, plateau, public. Le brouillard crée l’ombre ; la lumière crée l’ombre. Et dans l’indistinct, l‘étrange, le corps est (re)mis en question ; qui suis-je dans mon propre corps, quel est ce corps étranger ?
Un mannequin servira les propos chirurgicaux qui se mêlent à l’étrange du plateau. Dans ce corps de plastique, l’on découvre l’art de la vaginoplastie, redevenir soi, révéler l’autre prisonnier d’un mauvais genre. De l’ombre jaillit la lumière du genre, la bonne identité à grands coups de disqueuse. De l’ombre jaillit Lana, et son discours cynique, son humour trouve son double dans les propos mêlés de physique, de psychiatrie, de science-fiction. A la question du genre, le propos interroge la question de la création.
Le duo de corps féminin/masculin met en lumière toute cette interrogation sur l’identité. Les corps, les êtres, être soi, se révéler à soi-même, se révéler aux autres. Dans son fauteuil, Lana est interrogée. Tour à tour homme, femme, chirurgien, journaliste, acteurs, personnages de fiction, ouvriers, artisans… les deux protagonistes nous plongent dans les ombres profondes de cette question identitaire – identité perdue, identité retrouvée. Quand un être se retrouve et que les autres s’y perdent.
Frédéric Jessua nous ouvre ici une vraie porte à la réflexion sur les genres et les êtres, sur la tolérance aussi.