Chinoiseries
Vingtième Théâtre, Paris – Le 21 Avril 2016
Ils sont deux. Deux inconnus. Deux appartements. Deux univers. Deux inconnus qui se frôlent mais ne se touchent pas, se croisent mais ne se rencontrent pas. Deux appartements aux reflets de ces inconnus. La scénographie nous laisse pénétrer ces intérieurs, ces solitudes. Grande structure de métal symbolisant les murs, marquant les espaces, et qui nous laisse voir les deux univers. Ces derniers, reflets des deux personnalités, nous exposent la singularité des êtres, la vie, l’intime. Ils sont si proches l’un de l’autre, ils se toucheraient presque, ils ne se connaissent pas pour autant ils ne s’ignorent pas. Et leur monstrueuse solitude va les rapprocher.
La double structure de métal, offrant à nos regards deux cubes de vie en transparence, fait de nous des voyeurs. Nous pénétrons les deux appartements, nous traversons les murs que Monsieur Chiron et Madame Potée ne traversent pas eux-mêmes. Elles sont là, les Chinoiseries, ces petites tracasseries inutiles du quotidien, dans ces deux êtres étranges et déroutants. Lui (campé par Jean-Claude Leguay), souffre d’invisibilité sous forme d’hérédité familiale ; elle (habitée par Christine Murillo), se bride le regard pour paraître autre, différente, d’ailleurs, d’Asie. Ils se font face sans se voir, un mur les sépare. Ils s’épient, s’écoutent, se cherchent, se perdent et se retrouvent. De leurs appartements à la cage d’escaliers, on suit les moindres mouvements de monsieur Chiron et madame Potée.
Ce pas de deux est porté par les musiques planantes, angoissantes, romantiques ou émouvantes des films qui ont construit l’imaginaire de la dualité, de la complémentarité, la schizophrénie ou le manque de l’autre. On reconnaît les notes, on se remémore les atmosphères, et on voit nos deux protagonistes s’affranchir doucement de leurs propres frontières, les murs invisibles des deux appartements s’annihileront. Ils laissent l’autre entrer et peu à peu prendre vie, oubliant ces chinoiseries qui les étouffaient.
