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Les Réveillés de l’Ombre Théâtre de l’Exil / Calliope

Théâtre Le Palace, Montataire – Le 20 mars 2015

Et si, en ce vingt-et-unième siècle une folie revenait ? Et si, du fin fond de sa chevalerie, Don Quichotte heurtait sa vision du monde à ce qu’il est devenu aujourd’hui ?

C’est le parti pris de ce texte d’Alain Cadéo. Dans une prose toute poétique, il transporte ce que l’on a un jour définit comme la folie dans notre modernité. Ainsi, sous la direction de Christian Besson, Les réveillés de l’ombre prennent forme. On nous transporte dans cet univers entre deux mondes : le passé, le présent ; la folie, la sagesse ; le rêve, la réalité… Comme pour tout conte merveilleux, on a toujours un conteur. Le récitant campé par Georges d’Audignon est complétement extérieur à l’action. On peut presque regretter cette trop grande extériorité mais il nous impose pourtant la modernité. Il arrive comme pour un stand up, un one man show et nous présente le postulat de base : l’arrivée de Sancho et Don Quichotte. Dès lors, s’installe une temporalité à deux rythmes : la moderne temporalité, rapide, avide et insaisissable ; l’ancienne temporalité, plus étendue, plus ancrée et quasi langoureuse. Il faut accepter ce que nous impose le texte et l’on avance comme cela, à deux rythmes. La mise en scène de C. Besson joue sur ces deux temps, cette rupture, cette éternité qu’apportent Sancho et Quichotte. On regrette cependant qu’un travail sur la prosodie et la rythmique du texte n’ait pas été plus poussé. Une diction plus « poétique » pour le rêveur, le fou, une parole qui s’étend.

Sancho, lui, est déjà dans cet entre deux. Encore accroché au passé pour servir son maitre, il a déjà un pied dans le présent. Il fait le lien. En voguant entre ces deux mondes il devrait avoir ce double langage d’une diction langoureuse, étendue et d’une parole rapide, efficace. Mais le travail fin et judicieux, brillamment incarné par Pierre Pirol, souligne la dualité du personnage. Sancho est la fois celui qui aide (le bon samaritain) et celui qui tente (Iago). Espiègle et malicieux, il soutient son maitre mais se roule déjà dans les luxures modernes. Diablotin qu’on n’a pas envie de punir, le Sancho de Pierre Pirol nous porte à vouloir rire d’abord pour s’interroger après sur les frontières de la folie.

Cette folie même, incarné par un Don Quichotte aux allures, ici, quasi bibliques, nous souligne que le monde n’a pas tellement évolué depuis cinq siècles. La mise en scène joue ici sur les symboles : Jésus en croix, Moïse et son bâton de berger, le fardeau que l’on porte… Ce travail donne une forme d’atemporalité au personnage auquel Thierry Charpiot insuffle une belle énergie à la fois rigoureuse et inspirée.

Ces deux héros sont entourés du monde moderne. Un commissaire Mauduit (Maudit ?) que campe parfaitement Olivier Horeau. A la fois perfide et mal intentionné, il travaille sur ses regards et les intentions détournées. On aurait cependant, presque voulu quelque chose de plus tactile, de plus corporel. Et une serveuse, mais aussi seule femme de ce récit, qui endosse à la fois l’image de la mère, la protectrice, l’amante. Elle est la vie, celle qui avance malgré tout. Christine Gagnepain donne à cette figure l’énergie nécessaire.

Les quelques bémols à ce spectacle, un manque de rythme parfois, un jeu de lumière qu’on voudrait plus créateur d’univers (entre l’onirisme d’une part et la cruauté du monde d’autre part), et une confrontation plus directe du passé et du présent, n’enlèvent pas la magie qui se crée sur scène.

Ainsi Les Réveillés de l’ombre nous propose une vision d’un monde qui avance mais ne progresse pas vraiment. Un univers où le rêve fait partie intégrante du réel, repoussant les limites de la folie pour donner à la vie cet espoir nécessaire.

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