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Les fils de la Terre - Tragédie Rurale

Compagnie Théâtre de l'Epopée

Théâtre 13, Paris – Le 23 juin 2015.

Les fils de la terre c'est l'histoire de nos racines, l'histoire de la filiation. Élise Noiraud s'inspire ici du documentaire d’Édouard Bergeron, et dans un travail à la fois juste et intelligent, elle redonne force et universalité au propos du documentaire. Ce qui se joue là, c'est la difficulté (la nécessité?) de naître, voire de renaître, de ses racines. De l'enfermement à l'oubli de soi, de la libération du poids familial à l'épanouissement.

En cela, l'image est belle, celle du commencement. Le fils brillamment incarné par l'émouvant Vincent Remoissenet) s'échine à fourrager le foin ; un travail acharné, furieux, forcené. Et les brins de jaillir en une explosion sous le faisceau unique d'une douche de lumière. Le ton est donné : travail, solitude.

La mise en scène souligne ce compartimentage et cet isolement. La lumière déchire les ombres et fracture le plateau en plusieurs espaces distincts, plusieurs espaces presque impénétrables, hermétiques. Et dans ces éclats de vie, le fils se parcellarise, se dissout mais ne se retrouve pas. D'une part devenir le père qu'il n'a pas eu, le père aimant, loin de l'exploitation ; d'autre part être le digne héritier de ce père castrateur, rude et obtus. Incarné par le magistral François Brunet que l'on aime détester dans ce rôle du père, tant son jeu est fin et parfait.

Le propos est porté aussi par un rythme régulier, comme la fatalité d'une horloge, les personnages vont et viennent, participant à ce rythme irrémédiable. Le temps avance, l'action avec lui, la roue est lancée, et les comédiens fourmillent accentuant l'irrévocabilité du propos : s'arracher de ses racines mais y être intrinsèquement lié.

Les espaces créés accentuent le malaise, l'étouffement et donnent corps à la non communication. Face au monde rural, difficile et aride, se dresse une tentative de modernité, essaie d'une autre vie pour le fils. Il construit son foyer où l'attend sa femme enceinte. Dans une interprétation à la fois sensible et forte Sandrine Deschamps donne tout le relief nécessaire à cet univers qui se veut, qui se doit réconfortant et dans lequel le fils ne trouve pas ses marques. La comédienne déploie ici une palette de jeu à la fois mesurée et intense appuyée par l'interprétation de Benjamin Brenière à la fois juste et sensible.

Il est à noter aussi la qualité fine de l'atmosphère sonore. Le travail sur les musiques nous replonge dans un lieu, un espace, un temps, nous enferme presque dans une époque. Le son viendra immobiliser le temps, couvrir les paroles, les pensées, la communication. Comme si l'on ne pouvait pas parler, pour ne rien dire, monter le volume et travailler.

Et l'on se prend alors en pleine face tout le poids de l'héritage, culturel, familial, humain, et l'on est touché, profondément, bouleversé. Élise Noiraud signe ici un travail juste et émouvant.

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