Et le coq chanta
Les Passions / JS. Bach
Athénée - Théâtre Louis Jouvet le 11 décembre 2014
La mise en garde christique est claire : Jésus sera renié trois fois avant que ne chante le coq. Et le coq chanta… C'est autour de cet avertissement qu'Alexandra Lacroix et François Rougier adapte à la scène, les Passions de Bach. Si la théâtralité des Passions n'est plus à souligner, on entre ici dans un spectacle pictural tout autant que musical où l'on touche à l'âme de l'humanité.
Les treize protagonistes se retrouvent autour d'un repas de famille, l'on y fête un anniversaire ; dès lors les corps vont se frôler, errer, se heurter, danser. Du formica de la cuisine aux eaux tièdes de la salle de bain, cette réunion familiale porte le poids des Passions -un repas où toute l'histoire de l'humanité se joue, la Cène. Au commencement est le murmure, les voix sont feutrées. Une fois les treize arrivés, la longue tablée se met en place, couverts, assiettes, plats… une photo pour le souvenir et tout l'enjeu de la scénographie est mis en lumière sous le flash. L'esthétique picturale joue sur la symbolique et le repas de famille, réminiscence de Da Vinci, reconstitue La Cène.
L'image cède la place à la musique. Parmi les treize, sont aussi des musiciens -cordes, hautbois, clavecin, orgue- et les murmures cèdent aux sons pleins. Les a cappella alternent avec les instruments qui se substituent aux voix. Les arias ponctuent les étapes du récit que deux brillants comédiens (Julie Dumas et Simon Pitaqaj) nous rapportent.
Le repas se termine, le décors pivote et les corps avancent vers une mort annoncée. L'image reprend le dessus, enchevêtrement de corps, chorégraphie du quotidien, sur la scène une sorte de radeau de la Méduse se forme. Comme un dernier espoir fou, les corps se tendent en vain et en musique.
Et pour la troisième fois le coq chanta. Comme un ultimatum la sentence tombe, renié trois fois Jésus souffre sa Passion. Dans ce travail subtil, élégant et fin, Alexandra Lacroix guide sublimement des interprètes délicats et passionnés. Des images se fixent en nous et la musique nous ravit l'âme. Bach n'aura jamais été si bien servi que par les équipes de la Compagnie Manque pas d'Airs.